D’où vient notre désir de dessiner, de peindre et de faire un objet artistique des choses qui nous entourent ? Depuis la nuit des temps, les artistes se sont intéressés aux objets et les ont représentés avec profusion dans leurs créations. Avec l’exposition Les choses, le musée du Louvre nous dévoile un dialogue fluide et passionnant entre les choses et les artistes d’époque différentes.


De l’Antiquité au XVIIe siècle 

Déjà, dans les grands sociétés mésopotamienne ou égyptienne, les artistes faisaient preuve d’un grand intérêt pour les objets. Comme l’explique la commissaire de l’exposition, Laurence Bertrand Dorléac, à propos des choses « Elles symbolisent la puissance et le sacré, la vie après la mort, mais aussi l’existence quotidienne, le travail ou l’amour. »

C’est à l’Antiquité que l’on retrouve le plus de traces d’un art des choses représentées. Pline l’Ancien, Pausanias ou Philostrate l’Ancien les nomment et les décrivent dans leurs textes. Dans l’exposition, vous pourrez ainsi admirer de nombreux exemples de son utilisation, telle la mosaïque Memento Mori retrouvée dans une maison de Pompéi et dont la figuration d’un crâne nous rappelle la fin inéluctable de l’être humain.

Vanité. Memento mori. Naples, Museo Archeologico Nazionale © Su concessione del Ministero della Cultura – Museo Archeologico Nazionale di Napoli – foto di Giorgio Albano

Force est de constater qu’après la période Antique qui s’achève avec la chute de l’Empire roman au VIe siècle, une réduction significative des représentations d’objets se produit. Ces derniers sont alors uniquement utilisés pour mettre en avant les figures religieuses qui sont au centre des toiles. Ils sont ainsi au service du récit religieux chrétien qui domine alors la vie en Occident. L’annonciation de l’artiste Roger Van Weyden est un exemple parfait de ce type de peinture.

À partir du XVIe siècle, les choses reviennent au centre de la création artistique et prennent même le dessus sur la figure humaine, notamment dans la seconde partie du XVIe siècle. Le récit chrétien est alors relégué au second plan par les artistes. Les paysans passent aussi au second plan, derrière les fruits et les légumes qu’ils récoltent, comme dans la Nature morte aux légumes de Snyders (1610).

Atelier de Rogier van der Weyden, L’Annonciation. Musée du Louvre, département des Peintures © RMN-Grand Palais (Musée du Louvre) – Michel Urtado

D’une certaine façon, les choses ordinaires contribuent à définir le nouvel ordre social issu du monde marchand ouvert aux transferts de biens et de monnaie. Les choses servent à exprimer les rapports de pouvoir entre les riches et les pauvres, les hommes et les femmes, les humains et les animaux.

Le XVIIe siècle marque le début d’un changement dans la création artistique qui est encore d’actualité de nos jours. Devant la profusion de choses sur les étals des marchés comme dans l’intimité des intérieurs, les artistes s’affairent à sélectionner, collectionner et classer. L’art devient alors sélectif et met le plus souvent sur le devant de la scène des arrangements, des motifs étonnants, des monstruosités naturelles ou de simples curiosités qui frappent par leur originalité.

Adriaen S. Coorte, Six coquillages sur une table de pierre. Musée du Louvre, département des Peintures © RMN – Grand Palais (Musée du Louvre)_Michel Urtado

La bête humaine

L’exposition s’intéresse également au motif de l’animal mort. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, il s’agit d’une représentation très ancienne. En Occident, à partir du XVIIe siècle, il évoque la fragilité de la condition humaine. Cette figure glaçante de l’animal semble nous avertit du sort qui pourrait nous frapper.

Au début des années 1800, des peintres comme Géricault ou Goya réalisent des œuvres qui marquent profondément les esprits. « Ils peignent des membres de cadavres humains et une tête et carcasse de mouton comme des choses…Dans les œuvres contemporaines, les victimes du boucher ne suscitent plus seulement la compassion, elles nous accusent, elles nous fixent, elles nous ont à l’œil ! » ajoute la commissaire.

L’exposition se poursuit avec des artistes comme Cézanne, Van Gogh, Gauguin ou plus tard Matisse ou Nolde. Dans leurs œuvres, ils valorisent la vie simple dans un déferlement de choses banales qui semble répondre à l’évolution industrielle de la société.

Francisco José de Goya y Lucientes, Nature morte à la tête de mouton. Musée du Louvre, département des Peintures © RMN-Grand Palais (Musée du Louvre)_Thierry Ollivier

Sur place, vous pourrez également découvrir de magnifiques toiles comme lancolie d’un après-midi (1913) de Giorgio de Chirico qui met l’accent sur la solitude des choses. Dans cette peinture, le peintre italien représente une nature morte d’artichauts en gros plan sur un fond industriel, dépouillé de toute figure humaine.

Voici une vaste exposition rassemblant près de 170 œuvres qui abolit les frontières de l’espace et du temps en nous dévoilant les correspondances entre artistes de différentes époques ainsi que l’importance des objets dans l’Histoire de la peinture.

Crédits photo principale : Luis Egidio Meléndez, Nature morte avec pastèques et pommes dans un paysage. Museo Nacional del Prado © Photographic Archive Museo Nacional del Prado


INFORMATIONS PRATIQUES


Affiche de l’exposition Les Choses au Musée du Louvre (2022)
  • TITRE : Les Choses, une histoire de la nature morte
  • LIEU : Musée du Louvre
  • ADRESSE : Aile Richelieu, Musée du Louvre 75001 Paris
  • HORAIRES D’OUVERTURE : du 9h à 18h, sauf le mardi. Nocturne le vendredi jusqu’à 21h45
  • DATES : jusqu’au 23 janvier 2023
  • TARIF :  17 €
  • RENSEIGNEMENTS : Musée du Louvre