À l’aube des présidentielles américaines de novembre 2024, élection qui concerne le monde entier, le musée Maillol consacre sa dernière exposition à l’œuvre photographique d’Andrés Serrano. Un artiste qui préfère être définit comme un plasticien que comme un photographe au sens premier du terme. En effet, Andrés Serrano ne cherche pas à attirer notre attention avec de belles images, mais nous invite plutôt à réfléchir à ce que celles-ci donnent à voir au-delà de leur dimension esthétique. Un fascinant voyage à travers l’Amérique contemporaine.


Un regard acéré sur l’Amérique

Né à New-York en 1950 dans une famille d’origine hondurienne et afro-cubaine, Andrés Serrano a grandi dans un milieu profondément marqué par la religion catholique. Assidu visiteur du Metropolitan Museum of Art dès son plus jeune âge, c’est en découvrant la peinture religieuse et les peintres de la Renaissance que se forgera rapidement en lui l’envie de devenir artiste.

Depuis 40 ans, Andrés Serrano explore les questions fondamentales qui traversent et divisent le pays qui l’a vu naître. Par le biais de la photographie, qu’il considère comme un médium, l’artiste se penche sur des sujets centraux pour l’être humain tels que la mort, la violence, le sexe ou la religion.

Ainsi, dans ses portraits, il met sur le devant de la scène les visages et les corps des individus en marge de la société, les laissés-pour-compte d’un pays obsédé par la réussite. Serrano entend alors « contribuer au débat sur l’identité américaine dans sa diversité, en mêlant les âges, les genres, les milieux et les confessions. »

Andres Serrano, Jack RainMaker-Munsee/Lenape (Native Americans), 1996
Jack RainMaker-Munsee/Lenape (Native Americans), 1996 © Andres Serrano – Courtoisie de l’artiste et de la galerie Nathalie Obadia, Paris-Bruxelles

Le maître du portrait

Le musée Maillol a choisi de présenter l’œuvre d’Andrés Serrano de ses premières créations au mitant des années 80 jusqu’à nos jours, mais sans nécessairement suivre un fil chronologie.

Dans son exploration de l’Amérique contemporaine et afin de mieux saisir l’essence de cette nation-continent, Serrano réalise des portraits de personnages qui font cette Amérique de tous les jours. L’exposition débute avec une série de photographies dédiée aux natifs américains (1995-1996), premiers habitants des terres du Nouveau Monde. Il les met en scène avec un imaginaire qui parfois nous échappe. En effet, dans ses photos, il s’agit d’acteurs qui participent à des événements folkloriques et qui sont habillés de façon traditionnelle. Serrano les photographie en gros plan avec un fond derrière tout en faisant une étude extrêmement soignée de la couleur.

Suite aux attentats du 11 septembre 2001, les Américains prennent conscience de leur fragilité et découvrent avec stupeur qu’ils ont un ennemi capable de les frapper sur leur propre territoire. Serrano entame ainsi en 2004 une série de photos intitulée America. À cette occasion, il rencontre et photographie Donald Trump. L’homme qui pose devant sa caméra n’est pas le politicien populiste du slogan « Make America Great Again » mais le milliardaire new-yorkais, héritier de Fred Trump, promoteur immobilier à succès. Une photo qui révèle déjà toute l’arrogance et l’ambition de celui qui deviendra président des États-Unis.

Donald Trump(America), 2004
Donald Trump (America), 2004 © Andres Serrano – Courtoisie de l’artiste et de la galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles

En 1990, Andrés Serrano signe la série Nomads, qui constitue sa première incursion dans le monde de la précarité. Pour mener à bien son travail, il installe un studio mobile dans le métro de New-York dans lequel il prend des portraits des sans-abris qu’il rémunère pour poser. En mettant en lumière les sans-abris, largement invisibilisés dans nos sociétés, il leur offre un sentiment de dignité essentielle.

L’exposition dévoile également d’autres séries comme The Klan (1990) dans laquelle Andrés Serrano pose son objectif sur les leaders du mouvement raciste qui reste encore influent dans une large partie du pays. À noter également la série Immersions (1987-1990) dans laquelle on retrouve le Piss Christ, image la plus célèbre et la plus controversée de Serrano.

Immersions, 1987-1990 © Andres Serrano Courtesy of the artist and the Galerie Nathalie Obadia, Paris/Brussels
Immersions, 1987-1990 © Andres Serrano- Courtoisie de l’artiste et de la Galerie Nathalie Obadia, Paris-Bruxelles

Pièce maîtresse de l’exposition, la partie consacrée à une étonnante collection d’objets estampillés Donald Trump intitulée The Game : All things Trump (2018-2019). On y retrouve des briquets, des peluches, des mugs, des affiches, des photos dédicacées rassemblés par Andrés Serrano. Avec cette mini exposition dans l’exposition, l’artiste new-yorkais met en scène ces objets qui racontent le parcours d’un homme hissé au rang d’idole, et ce, bien avant qu’il ne devienne président du pays le plus puissant de la Planète.  

 

Crédits photo principale : Portrait d’Andrés Serrano @Lukas-Oujezsky courtoisie de l’artiste et de la Galerie Nathalie Obadia Paris- Bruxelles


INFORMATIONS PRATIQUES


Affiche de l'exposition Andrés Serrano, portraits d'Amérique
Affiche de l’exposition Andrés Serrano, portraits d’Amérique (2024)
  • TITRE : Andrés Serrano, portraits de l’Amérique
  • LIEU : Musée Maillol
  • ADRESSE :  56-61 rue de Grenelle 75007 Paris
  • HORAIRES : Tous les jours du 10h30 à 18h30 / Le mercredi jusqu’au 22h
  • DATES : jusqu’au 20 octobre 2024
  • ENTRÉE :  17.50€ – 12.50€
  • RENSEIGNEMENTS : Musée Maillol