En 2014, Artemio Benki se rend à l’hôpital psychiatrique d’El Borda à Buenos Aires. Cet endroit organisé comme un village le marque profondément. Il ressent rapidement le besoin d’y revenir et d’y trouver une histoire à raconter. Au cours de sa deuxième visite, le réalisateur rencontre Martín, un pianiste confirmé souffrant de troubles mentaux et que les autres patients appellent « el maestro ». Il avait alors trouvé le personnage central de son histoire.


HÔPITAL VERSUS MONDE EXTÉRIEUR

À El Borda, on trouve des rues qui portent les noms de docteurs, les différents bâtiments ont des allures de squats, il y a une église, un terrain de foot et même un centre culturel. Pour Martín, ce petit univers est devenu sa maison, un endroit où il se sent en sécurité, loin du monde extérieur et de « la vie normale » qui demeure dangereuse et menaçante pour lui.

Avec ce film poignant, Artemio Benki s’immisce avec beaucoup de délicatesse et d’empathie dans le quotidien de ce jeune pianiste et des autres malades. On découvre un hôpital au sein duquel s’organise une forte solidarité entre patients mais aussi entre patients et personnel médical. Les uns et les autres s’entraident, s’encouragent et surtout se comprennent face à la maladie.

Martín, veut s’en sortir et retrouver à nouveau sa place dans la société, mais sa peur de sortir dans le monde extérieur et de rechuter est toujours présente. Cette lutte intérieure est évoquée avec maestria par le réalisateur qui réussit à tracer tout au long du film une frontière imaginaire entre l’hôpital et le monde extérieur.

MALADIE ET CREATION ARTISTIQUE

C’est la musique et plus particulièrement la première composition de Martín qui, d’une certaine manière, l’a conduit à l’internement. Là se trouve l’un des points les plus forts du film. Artemio Benki retrace par petites touches le parcours de ce virtuose du piano et tisse le portrait d’un homme dont la vie ressemblait à celle d’un athlète de haut niveau, ponctuée d’intenses entraînements. C’est cette intensité mal contrôlée qui a fait basculer la vie de Martín.

Solo est un film-documentaire d’une grande humanité, peuplé de personnages aussi touchants qu’extraordinaires mais brisés par la maladie et par la vie. Artemio Benki réussit à établir une réelle complicité entre sa caméra et Martín, livrant au spectateur de rares moments d’intimité. Avec Solo, il s’interroge avec intelligence sur la notion de normalité.

Au final, qui décide de ce qui est normal ou non ?


FICHE DU FILM


affiche du film solo de Benki
Affiche du film solo d’Artemio Benki
  • Titre original : Solo
  • De : Artemio Benki
  • Avec : Martin Perino
  • Date de sortie : 30 juin 2021
  • Durée : 1h 25 min
  • Distributeur : Nour Films
  • Sélectionné : Acid Cannes 2019