Est-il possible de réaliser un bon film d’horreur avec un budget réduit et un timing très limité ? Le réalisateur Caye Casas répond à cette question par l’affirmative. Avec Accident domestique, le cinéaste barcelonais a réussi à conquérir les plus prestigieux festivals du genre et à inciter Stephen King en personne à recommander le film sur X, ancien Twitter. Rien d’étonnant à cela tant Accident domestique dispose d’un excellent scénario, de talentueux acteurs, de belles doses d’humour noir et d’une haute tension psychologique.    


Comment vous est venue l’idée de réaliser Accident domestique, cette tragédie teintée d’humour noir qui a pris d’assaut les festivals ?

Je n’avais rien tourné depuis cinq ans et je n’avais aucun projet, je ne pensais pas être capable de faire un autre film un jour. J’avais le scénario d’Accident domestique dans un tiroir, écrit il y a des années. Je savais que je pouvais le réaliser avec peu de moyens et une amie m’a prêté son appartement gratuitement, alors nous avons sauté le pas et l’avons tourné en 10 jours seulement.

Je voulais raconter une grande tragédie, mais avec des touches d’humour noir, et nous avons écrit le film en nous basant sur des faits divers réels sur ce type d’accidents. Nous voulions faire un film d’horreur, mais pas un film d’horreur classique. Ici, il n’y a qu’une petite table dans la salle à manger et un destin cruel. C’est une tragédie qui peut arriver à chacun d’entre nous.

Lors de l’écriture du scénario, avez-vous pensé à la loi de Murphy et au fait que quand quelque chose de grave se produit, tout peut empirer ?

Bien sûr, c’est exactement ce qui se passe dans l’intrigue de La voisine. Le personnage principal a un énorme problème avec sa petite voisine, une fille qui est folle et qui le fait chanter, mais comme vous le dites, quand on a un problème, il peut toujours s’aggraver, et c’est ce qui se passe, un problème beaucoup plus important éclipse complètement le premier problème avec la petite voisine.

Dans Accident domestique, un événement anecdotique comme l’achat d’une petite table pour la salle à manger précipite Jesús, le personnage principal, en enfer. Pensez-vous que la terreur, la peur, est plus efficace lorsqu’elle s’inscrit dans la vie quotidienne ?

Absolument. Je crois que l’enfer existe, mais ce n’est pas l’endroit dont nous parle la Bible, avec des flammes et le diable. L’enfer, c’est tout ce qui peut vous arriver de mal de votre vivant. Si le destin est cruel, vous pouvez rencontrer ce véritable enfer qui est la plupart du temps pire que la mort et ça peut arriver à chacun d’entre nous. C’est ce qui est vraiment terrifiant, les monstres, les fantômes et les zombies n’existent pas, c’est le destin et la malchance qui existent.

Portrait de Caye Casas et les acteurs d'Accident Domestique

« Nous voulions faire un film d’horreur, mais pas un film d’horreur classique. Ici, il n’y a qu’une petite table dans la salle à manger et un destin cruel…»

La tension psychologique qui va crescendo est un élément clé du film. Était-ce quelque chose que vous recherchiez depuis le début ?

Bien sûr que oui ! L’une des clés de la tension dans le film est que les seules personnes sachant ce qu’il s’est passé sont le protagoniste et le public. Les autres personnages n’en ont aucune idée, ce qui est très puissant car cela fait du spectateur un protagoniste émotionnel. C’est la clé de la tension, le protagoniste sait ce qu’il s’est passé, le public aussi, vous savez qu’il n’y a pas de solution et que tout va exploser à un moment, mais quand ? Et comment ?… J’aime cette terreur psychologique.

Comment le tweet de Stephen King et ses commentaires élogieux ont-ils contribué à faire connaître le film ?

Avant que le roi de l’horreur ne voie le film, nous avions déjà remporté plus de 40 prix dans des festivals internationaux, mais bien sûr, que Stephen King lui-même, par l’intermédiaire de Mick Garris, m’ait demandé de voir le film, l’ait vu, l’ait adoré et l’ait ensuite recommandé sur ses réseaux sociaux est quelque chose que je n’aurais jamais pu imaginer dans mes rêves les plus fous. Je vous assure que cet homme m’a fait la faveur d’une vie, c’est l’un des moments les plus heureux et les plus magiques qui me soient jamais arrivés. Merci éternellement à Stephen King et au maestro Mick Garris.

Comment se passe la réalisation de films indépendants en Espagne ?

Faire des films indépendants en Espagne, c’est l’enfer, c’est épuisant, vous n’avez aucune aide ou visibilité, c’est vraiment dur, ça n’a qu’un seul côté positif, c’est que vous avez une liberté totale, zéro censure, zéro autocensure et ça se voit, les histoires qui sortent sont plus authentiques et personnelles. Sinon, c’est horrible.

Quels sont vos prochains projets ?

Je suis à la recherche de financements pour plusieurs projets. Si des producteurs français sont intéressés par la réalisation d’un autre film inoubliable, qu’ils m’appellent. Par ailleurs, je suis en train de développer un scénario pour un film destiné aux États-Unis. J’espère qu’il en sortira quelque chose ! Dans ce métier, on n’arrête pas de tailler des pierres, du moins moi.

Retrouvez ici notre critique du film Accident domestique.

Crédits photo principale : Portrait Caye Casas © ESC Films