Le 07.01. Le Sud de Víctor Erice

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En 1983, Víctor Erice signe l’un des plus beaux films de l’histoire du cinéma espagnol, Le Sud, une œuvre lyrique, mystérieuse, imprégnée de silences et d’ombres, à l’image d’Agustín, le père de la jeune héroïne Estrella. Dix ans après L’Esprit de la ruche (1973), Erice se plonge à nouveau dans le monde de l’enfance, puis de l’adolescence, en suivant les pas d’une jeune fille solitaire, troublée par l’étrangeté de ce père qu’elle admire et dont elle cherche, dans la pénombre de sa chambre, les réponses aux nombreuses questions qu’elle se pose.

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Il était une fois une famille…

L’histoire commence quelque part dans le nord de l’Espagne à l’automne 1957, « dans une ville entourée de remparts, au bord d’une rivière », comme l’explique la voix d’une femme adulte qui revisite son enfance et qui deviendra, tout au long du film, la confidente du spectateur. Son père, le médecin Agustín Arenas, radiesthésiste à ses heures, a trouvé un poste dans un hôpital de province ainsi qu’une maison en périphérie de la ville appelée La Mouette… Bien que la maison, en dépit de son nom, soit très éloignée de la mer.

Dans cette demeure pleine de silences, au beau milieu d’une nature figée par la rudeur hivernale, vivent Agustín, interprété par l’acteur italien Omero Antonutti ; Estrella, incarnée d’abord par Sonsoles Aranguren puis par une jeune Icíar Bollaín ; et Julia, la mère, ancienne institutrice destituée sous le franquisme, campée par Lola Cardona.

Au fil du temps, la fillette comprend que son père porte depuis des années un secret qui pourrait expliquer sa mélancolie, ses absences inexpliquées et son mutisme sur certains sujets.

Les blessures du passé

L’action du film — adaptation du roman éponyme d’Adelaida García Morales, compagne d’Erice — se déroule curieusement dans le Nord. Pour Estrella, le Sud, terre d’origine de son père, s’apparente à un paradis perdu, un lieu mythique où tout semble possible. Mais à mesure que l’adolescente perçoit les failles d’Agustín, ce Sud fantasmé se fissure lui aussi, laissant place au désenchantement.

Ce clivage géographique renvoie directement à l’Espagne de l’époque : un pays meurtri par la Guerre Civile et une dictature au long cours pendant laquelle les vainqueurs ont imposé leur loi. Le père, qui a dû fuir le Sud pour s’être opposé au franquisme, est en rupture avec sa famille. Il incarne le camp des vaincus, cette Espagne condamnée au silence, reléguée dans l’ombre…

Pour réaliser le film, Víctor Erice s’est aussi nourri de sa propre enfance, marquée au fer rouge par les non-dits et les secrets de la dictature. Dans Le Sud, tout commence et tout se termine près d’une fenêtre. Elles sont nombreuses, comme autant d’ouvertures pour échapper à l’enfermement et à l’obscurité implacable qui s’est abattue sur le pays. Les clairs-obscurs, filmés de manière magistrale par José Luis Alcaine, traduisent à l’écran cette lutte entre lumière et ténèbres.

Voici l’occasion de voir en version restaurée ce film qui regorge de moments d’une beauté envoûtante, à l’image de cette remarquable ellipse où Estrella quitte la maison par une route bordée de deux rangées d’imposants marronniers d’Inde : elle s’en va à vélo, enfant de huit ans, et réapparaît à quinze. Un saut temporel qui marque aussi une étape décisive dans la construction du personnage.

Crédits photos : Le chat qui fume (photo de couverture)

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FICHE DU FILM

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