À Madrid, il existe des quartiers marginaux. Et il y a aussi la Cañada Real, un territoire très singulier sous la forme d’un bidonville qui s’étend sur trois communes et où vivent entassées plus de 6 000 personnes, la plupart en situation de grande vulnérabilité. Présenté à la semaine de la critique, le premier long métrage de Guillermo Galoe est un cri de désespoir d’une communauté face à son crépuscule, mais aussi un chant de liberté.
Filmer le plus grand bidonville d’Europe
Lorsqu’on habite à 10 minutes de la Cañada Real et qu’on est cinéaste, l’envie de faire un film sur ce lieu en marge de la société, oublié de tous, peut être irrépressible. C’est exactement ce qui est arrivé à Guillermo Galoe, le réalisateur de Ciudad sin sueño, La ville sans rêves en français.
Au fil du temps, il s’est rapproché d’une communauté rom originaire d’Estrémadure qui s’est installée là et dont le terrain a commencé à susciter l’intérêt de spéculateurs immobiliers : « Lorsque j’ai senti que j’allais faire un film là-bas et que j’ai imaginé à quoi cela ressemblerait, j’ai compris que pour le réaliser tel que je l’imaginais, il me faudrait beaucoup de temps : le temps de pouvoir faire un film avec les habitants, et non un film sur les habitants […] J’ai toujours dit clairement que j’avais l’idée de faire un film, mais je n’ai pas apporté de caméra avant deux ans, quand il y a eu suffisamment de confiance pour le faire et que j’ai senti que ce ne serait pas violent pour les habitants de se retrouver devant une caméra. »

Toni, un adolescent entre deux mondes
C’est avec Toni, (Antonio Fernández Gabarre) que l’on découvre l’univers de la Cañada Real, grâce aux images captées sur son portable car il aime tout particulièrement filmer son quartier. Guillermo Galoe et son chef opérateur Rui Poças, connu pour ses collaborations avec Miguel Gomes et Lucrecia Martel, dépeignent avec beaucoup de lyrisme et d’authenticité ce territoire et ses habitants qui vivent dans des conditions extrêmes.
Tout au long de film, on suit les déambulations de Toni, parfois avec sa famille, parfois avec son copain Bilal (Bilal Sedraoui), d’origine marocaine, avec son lévrier Atómica, son grand père Chule (Jesús Fernández Silva), un ferrailleur qui subvient aux besoins de la famille et qui ne voudrait pour rien au monde quitter la Cañada Real.

C’est lors d’un premier court-métrage intitulé, Aunque es la noche (Malgré la nuit), que Guillermo Galoe a déniché Toni : « Lorsque nous le lui avons proposé, j’ai été surpris par le naturel et le courage avec lesquels il s’est lancé sans réfléchir : c’était un garçon avide d’aventures. Il a fini par jouer dans le court métrage et s’est révélé être un acteur naturel, impressionnant […] Pour le long métrage, nous avons adapté le scénario pour Toni (qui a grandi entretemps NDLR) et je pense que c’est l’une des meilleures décisions que je n’aie jamais prise. »
Crédits photos : Pan Distribution (photo de couverture)
FICHE DU FILM

- Titre original : Ciudad sin sueño
- De : Guillermo Galoe
- Avec : Antonio Fernández Gabarre, Bilal Sedraoui, Jesús Fernández Silva
- Date de sortie : 3 septembre 2025
- Durée : 1h37
- Distributeur : Pan Distribution