Dans un perpétuel ida y vuelta entre tradition et modernité, la divine Rocío Márquez poursuit son inlassable travail exploratoire autour d’un flamenco qui se joue définitivement des frontières et du temps… Alors que nous l’avions laissée il y a deux ans auréolée d’une Victoire du jazz et du prix du meilleur album de flamenco d’El Pais pour Visto en el Jueves, un album plutôt classique dans sa forme, la cantaora andalouse renverse la table avec Tercer Cielo, un sixième album d’une radicalité folle, en duo avec le DJ et producteur électro Bronquio.


Rocío Márquez ou le flamenco au firmament

Nous ne l’avions pas vue venir. Quand Rocío Márquez débarque en 2012 avec Claridad, c’est avant tout l’avènement d’une voix. Une voix superbe, puissante et claire, qui se démarque de l’âpreté formelle du cante jondo traditionnel. Mais Rocío Márquez n’est pas qu’une voix. Elle est bien plus que ça.

C’est avec le sublime Firmamento (2017), produit par l’incontournable Raül Refree, que la cantaora abattra définitivement ses cartes. Sur cet album abrasif, où la guitare n’a plus droit de cité, les bulerías, alegrías et autres fandangos se brûlent à la lumière du jazz libre, piano, percussions et cuivres tissant des paysages musicaux faits de brumes électriques et d’orages gorgés de tensions…

La messe est dite. Rocío Márquez sait tout faire et peut tout aussi bien interpréter un répertoire de canciones populaires glanées sur le marché el Jeuves que plonger sans retenue dans les plus audacieuses expérimentations.

Tercer Cielo, un album majeur du flamenco

De l’autre côté de Pyrénées, les critiques dithyrambiques pleuvent déjà sur Tercer Cielo. Elles sont justifiées. En effet, Rocío Márquez et Bronquio, jeune sensation de la nouvelle scène électro, signent ici une œuvre majeure dont les nombreuses et profondes circonvolutions sont destinées à marquer durablement les esprits.

Sur Tercer Cielo, samples, beats, basses, nappes de synthés analogiques et voix se conjuguent à l’unisson pour définir un nouveau champ des possibles, celui d’un flamenco rétrofuturiste, d’une folle créativité, autant porteur d’énergie que vecteur d’une infinité d’émotions.

Difficile de ne pas succomber aux bruissements électroniques, au chant spectral et à la montée acide de Paraíso. Cuantos Cuerpos Por Venir, aux harmonies tubesques de l’extatique rumba De Mí ou aux cavalcades krautrock insensées de l’imparable Un Ala Rota.

Rocío Márquez & Bronquio – Un Ala Rota (2022)

Si pour vous, les boîtes à rythme, le vocodeur, les techniques de sidechain et les montées acides de TB 303 n’ont pas leur place sur un disque de flamenco, écoutez de toute urgence Tercer Cielo. Vous y découvrirez, stupéfait, une quinzaine de titre gorgés de duende, interprétés par une chanteuse au sommet de son art et un musicien qui a le don de faire pleurer les machines.

Indispensable.

En attendant un concert parisien qui ne saurait trop tarder, Rocío Márquez et Bronquio seront sur scène le 9 décembre pour les Transmusicales de Rennes !

Rocío Márquez & Bronquio – Tercer Cielo (2022)

FICHE ALBUM


Pochette album de Tercer Cielo de rocio marquez et bronquio
Tercer Cielo de Rocío Márquez & Bronquio (2022)