Marina Otero, l’enfant terrible de la scène théâtrale porteña, est de retour avec Fuck Me qu’elle jouera du 19 au 22 juillet au Lycée Jacques Decour dans le cadre du festival Paris l’Été. À cette occasion, la danseuse et chorégraphe a bien voulu répondre à quelques-unes de nos questions sur ce spectacle puissant mêlant habilement autobiographie et fiction.


QTP – Vous serez du 19 au 22 juillet à Paris pour présenter votre création Fuck me dans le cadre du festival Paris l’Été. C’est une création qui tient une place particulière dans votre parcours artistique car vous l’avez conçue alors que vous étiez alitée suite à une très lourde opération du dos. Pourriez-vous revenir sur la genèse de cette pièce ?

L’idée est née en 2016, il y a de nombreuses années. À cette époque, je souhaitais faire des recherches sur l’histoire de mon grand-père, qui était sous-officier et avait travaillé dans les services de renseignement de la marine argentine pendant la dictature militaire. Mon grand-père était décédé, mais ma grand-mère était toujours en vie et j’ai fait avec elle ce voyage jusque dans la ville de Córdoba, en Argentine, avec l’idée de faire plus tard une pièce de théâtre basée sur cette histoire familiale.

La pièce est donc née en 2016, mais je n’avais pas encore commencé à répéter, j’étais plutôt dans une phase de recherche à ce moment-là. C’est à partir de 2019 que j’ai commencé les répétitions pour une pièce qui devait être à la base un solo, mais pile à ce moment-là, je me suis gravement blessée au dos. J’ai alors décidé de faire appel à cinq interprètes masculins – qui étaient six à l’origine – pour interpréter la pièce. La première a eu lieu en 2020, juste avant la pandémie.

Portrait de la chorégraphe argentine Marina Otero

« Je ne pouvais rien faire, je pouvais à peine marcher. C’était vraiment très dur… »

C’est un chapitre de votre vie qui a dû être, à tous niveaux, physique comme psychologique, particulièrement difficile à traverser. L’écriture de Fuck me vous a-t-elle aidée à tenir bon à ce moment-là ?

Pour être honnête, oui, c’était assez difficile parce que je ne pouvais rien faire, je pouvais à peine marcher. C’était vraiment très dur, mais le travail m’a en quelque sorte aidée à comprendre qu’il y avait d’autres façons de raconter des histoires, d’autres façons de s’exprimer que celles que je connaissais déjà, que celles auxquelles j’étais habituée. D’une certaine manière, ça m’a appris à me raconter d’une façon différente, de prendre conscience qu’il existait d’autres formes d’expression. Et puis, le temps de convalescence pour ma colonne vertébrale a porté ses fruits, j’ai commencé à me sentir mieux et aujourd’hui, j’ai heureusement récupéré ma mobilité.

Fuck me est un vrai succès sur les scènes européennes et c’est déjà la seconde fois que vous présentez ce travail à Paris. Quelle a été la réaction du public parisien en 2022 quand vous l’avez jouée au Théâtre de La Ville – Les Abbesses ?

En effet, ça s’est très bien passé. Pour tout dire, ça nous a surpris, nous ne nous attendions pas à ce qu’il en soit ainsi…

Fuck me s’inscrit dans le cadre d’un projet artistique plus large, Recordar para vivir, la construction d’une œuvre sans fin dont la matière principale est votre propre vie. Pourriez-vous nous éclairer sur votre intention artistique ?

Ce projet a commencé avec ma première pièce, Andrea, que j’ai créée en 2012. Mais officieusement, il avait commencé bien avant car j’avais déjà pour habitude de m’enfermer dans des salles de répétition pour réfléchir à une manière personnelle de construire une pièce. À cette époque, mon but premier était de faire une pièce, mais j’étais également obsédée depuis longtemps par l’idée du passage du temps sur le corps. Alors j’ai alors imaginé ce que cette idée donnerait si elle devenait une création.

Je l’ai d’abord appelée Éternelle, mais en fait, elle n’était pas réellement éternelle car elle prendrait fatalement fin le jour de ma mort… L’idée centrale était de produire différentes esquisses, comme autant d’œuvres, mais dans lesquelles le corps, en l’occurrence le mien, est toujours en train de muter avec sa propre histoire…C’est moi en tant qu’objet d’investigation.

Vous êtes originaire de Buenos Aires mais résidez en Espagne depuis quelques années. Pour quelles raisons ? Personnelles ? Artistiques ?

En Argentine, ma vie économique et professionnelle était très compliquée…  Je vivais principalement de cours que je donnais, ce qui marchait bien, mais j’étais fatiguée de dépendre de ces cours et je souhaitais aussi me consacrer davantage aux voyages et à la possibilité de vivre de mes créations. J’ai donc fait ce choix pour vivre une expérience différente. J’ai choisi l’Espagne car, pour être honnête, c’était un changement relativement simple, je ne changeais pas radicalement de langue ou de culture… Du reste, l’ambiance ici en Espagne, à Madrid, ressemble un peu à celle de Buenos Aires. Ça m’a semblé être un bon point de chute et je suis finalement restée ici jusqu’à aujourd’hui.

Quels sont vos prochains projets ?

Mon prochain projet s’appelle Kill Me, je vais commencer à travailler dessus dès août prochain … D’une certaine manière, il poursuit le fil directeur de mes précédentes créations. Après Fuck Me, il y a eu Love Me et après Love Me, il y a maintenant Kill Me qui est en processus de création… Les premières représentations sont déjà programmées, elles auront lieu à Madrid, au Teatros del Canal, en juin 2024.

Retrouvez ici notre chronique du spectacle Fuck Me.

Crédits photos : Marina Otero © Nora Soruco


INFORMATIONS PRATIQUES


Portrait de la chorégraphe argentine Marina Otero
Marina Otero © Nora Soruco
  • TITRE : Fuck me
  • ARTISTE : Marina Otero
  • AVEC : Augusto Chiappe, Cristian Vega, Fred Raposo, Juan Francisco Lopez Bubica, Matias Rebossio, Miguel Valdivieso et Marina Otero
  • LIEU : Lycée Jacques Decour, 12 Avenue Trudaine 75009 Paris M° Anvers
  • DATES ET HORAIRES : du 19 au 22 juillet 2023 à 22h
  • TARIF : 22-28 €
  • RÉSERVATIONS : www.parislete.fr