En cette année croisée France-Portugal, la danseuse et chorégraphe Tânia Carvalho est omniprésente. Après avoir présenté en juin dernier au public parisien trois de ses créations interprétées par le Ballet National de Marseille, elle est de retour au CentQuatre avec une nouvelle proposition chorégraphique pour le Ballet National du Portugal. Un véritable agenda de Ministre au sein duquel elle a néanmoins trouvé le temps de répondre à nos questions…


QTP – La saison France-Portugal bat son plein et votre actualité scénique est toujours aussi intense. Après Oneironaut au Théâtre des Abbesses, votre collaboration avec le Ballet National de Marseille à La Villette, vous êtes de retour au CentQuatre avec une nouvelle proposition…

Oui, en effet, et je suis vraiment très reconnaissante pour tout ça ! Venir à Paris, pour moi, c’est toujours très excitant et aussi synonyme de plaisir… Et en ce moment, je suis à Paris pour présenter deux pièces au Théâtre des Abbesses, un film, un concert, ainsi qu’une petite exposition de mes dessins !

Concernant le CentQuatre, je vais y présenter S, une chorégraphie que j’ai créée en 2018 pour le Ballet National du Portugal. C’est une proposition dont le sujet principal est la danse et plus précisément, sur la façon dont la danse peut être considérée comme une entité à part entière qui vit à travers le corps des danseurs. C’est une création qui a beaucoup à voir avec mon histoire personnelle et la relation que j’entretiens avec le monde du ballet.

Le titre en lui-même, S, est très énigmatique. À quoi renvoie-t-il ?

S fait référence à Lá Shylphide, une œuvre du ballet romantique très importante, en particulier pour son travail sur les pointes. J’ai choisi ce nom, car dans ma création, je joue avec les codes du ballet romantique. Le ballet romantique, je l’ai étudié pendant trois ans quand j’étais adolescente et je me souviens très bien de mes sentiments, de mon état d’esprit au moment où je l’ai appris, et aussi de la façon dont je pouvais y piocher tant de choses, dans le versant plus émotionnel de la danse, que je pouvais ensuite emmener avec moi dans mes autres cours de danse… Cette création joue un peu avec ça. Il y a les danseurs contemporains qui peuvent observer les danseurs romantiques, mais par contre, les danseurs romantiques ne peuvent pas observer les danseurs contemporains.

Vous partagerez la scène avec un autre chorégraphe portugais, Marco Da Silva, qui présentera Corpos de Baile, une pièce conçue également avec le Ballet National du Portugal. Avez-vous échangé avec lui sur vos créations respectives ?

Non, je n’ai pas encore vu son travail. Le fait est que ma création remonte à 2018 et que nos deux pièces n’avaient pas initialement vocation à être présentées ensemble. Au CentQuatre, elles ont été programmées dans la même soirée, mais toutes deux existaient de façon indépendante auparavant. Mais je suis tout de même curieuse de découvrir sa pièce et de voir comment nos deux créations vont vivre ensemble dans un même programme.

« Beaucoup de choses, et notamment d’idées, me viennent en rêve… »

En tant que chorégraphe, votre travail se nourrit de thèmes tels que l’inconscient, les rêves, les conflits personnels ou interpersonnels. Comment cela impacte-t-il votre art ? Cela vous ouvre-t-il de nouvelles perspectives, de nouveaux champs créatifs ?

Oui, effectivement, ça en ouvre. Mon esprit m’aide à comprendre ce que mon inconscient m’apporte en tant qu’artiste. J’essaie d’être à l’écoute de toutes les dimensions de mon être. Mes rêves existent et ont une influence sur moi. Il en va de même pour mes zones d’ombre, mes intuitions… Mais j’écoute ces signaux de façon détendue, je les laisse se présenter à moi. Beaucoup de choses, et notamment d’idées, me viennent en rêve. Il y a peu de temps, j’ai rêvé d’une musique, tout était si clair, si précis…C’était une version d’une musique portugaise, mais chantée à plusieurs voix. Trois jours plus tard, j’avais encore cette musique dans ma tête. J’ai donc fini par enregistrer toutes ces voix et c’est une pièce que j’ai pu présenter à mon dernier concert. C’était comme si je n’avais rien fait hormis le fait d’enregistrer quelque chose qui avait déjà été fait.

Vous vous intéressez à une multitude de pratiques artistiques, la musique, le dessin, le cinéma… Xylography, entre danse et dessin, est un exemple très révélateur de votre façon de parvenir à connecter plusieurs expressions artistiques. Y a-t-il un champ que vous n’ayez pas encore abordé et que vous souhaiteriez explorer à travers votre danse ?

Oui, il y a encore pas mal de choses que je souhaiterais faire. J’aimerais notamment explorer d’autres univers artistiques. J’ai en moi des idées qui sont là depuis un certain temps et qui n’attendent plus que le bon moment pour sortir…Je laisse toutes ces choses grandir en moi et finalement, tout se passe comme si ce n’était pas moi qui les choisissais, ce sont plutôt elles qui me choisissent !

Vous êtes également musicienne, essentiellement pianiste, et vous composez les bande-sons de vos spectacles. Quelles sont vos principales influences ?

C’est tellement difficile pour moi de répondre à cette question. Je ne saurais trop dire…Si je cite quelqu’un, je vais restreindre le champ des possibles et le champ des possibles est très étendu. Mes influences viennent de partout.

Quels sont vos futurs projets ?

J’ai une première avec une compagnie prévue pour mars 2023, ça s’appelle Versa-vice. Sur scène, il y aura neuf danseurs ainsi que de la musique que j’ai composée. Je travaille aussi sur de nouveaux projets au sein de mon duo artistique Papillons d’Éternité. Entretemps, j’ai d’autres projets plus confidentiels ainsi qu’un projet plus important, mais qui viendra plus tard. Comme j’aime explorer différents champs artistiques, je suis souvent sur plein de projets à la fois. C’est comme si j’avais un immense projet qui se composait de tous ces plus petits projets !

Crédits photos : Tânia Carvalho © Rui Palma


INFORMATIONS PRATIQUES


affiche tania carvalho 104 Paris
Affiche du spectacle S de Tânia Carvalho au 104 (2022)
  • TITRE : S de Tânia Carvalho et Corpos de Baile de Marco da Silva Ferreira
  • LIEU : Le Centquatre
  • ADRESSE : 5 rue Curial 75019 Paris
  • DATE : Du 27 au 30 octobre 2022
  • HORAIRES : 20h / le dimanche à 19h
  • TARIFS : 20-28 €
  • RENSEIGNEMENTS : www.104.fr