L’un des acteurs les plus en vue du cinéma espagnol nous parle de son rôle dans Une vie secrète, le nouveau film du trio de réalisateur basques Jon Garaño, Aitor Arregi et José María Goenaga. L’acteur de La colère d’un homme patient et de La isla mínima y campe le rôle d’un partisan républicain contraint de se cacher pendant des années pour échapper au régime franquiste.


Dans ton dernier film, Une vie secrète, tu interprètes Higinio, un républicain espagnol qui, pendant la guerre civile et une grande partie de la dictature, vit caché de peur de possibles représailles. Comment as-tu préparé ce rôle ?

La difficulté que j’avais avec ce personnage, c’est que je n’ai pas connu quelqu’un qui avait vécu l’expérience d’Higinio. Les dénommées taupes ont bel et bien existé, il y en a eu des centaines et tout cela est documenté et prouvé. Il y a deux livres sur le sujet que j’ai lus pour préparer au mieux le personnage. D’abord celui de l’historien Ronald Fraser sur la vie du maire de Mijas, un homme qui a été enfermé 33 ans et que Fraser a interviewé à plusieurs reprises. 

« Lorsque je prépare un rôle, je redeviens journaliste »

LORSQUE JE PRÉPARE UN RÔLE, JE REDEVIENS JOURNALISTE. ANTONIO DE LA TORRE

Pour moi, ce livre a été précieux car il a été écrit comme une sorte de journal intime. Puis un second ouvrage co-écrit par Manu Leguineche et Jesús Torbado dans les années 70, Los topos, qui rassemble de nombreux témoignages a été une source d’inspiration importante pour le film. 

Lorsque je prépare un rôle, je redeviens journaliste. Par le passé, j’ai travaillé des années comme journaliste à Canal Sur et quand je me confronte à un personnage, je mène une enquête comme si j’étais encore journaliste et que j’allais écrire sur le personnage. C’est ma façon de faire.

Et puis je me suis aussi inspiré de ma famille et de mes parents. J’ai déjà un certain âge et mes parents sont morts quand j’étais très jeune. Ils ont vécu la guerre civile et l’après-guerre et j’ai toujours gardé en tête les histoires qu’ils m’ont racontées. Bien sûr, c’est un récit très fugitif et quasi secret, mais au fond, mais il m’a donné les clés pour comprendre l’Espagne de cette époque.

Une partie très importante dans la préparation du personnage venait aussi du langage. Avec les réalisateurs, nous avons voulu utiliser le parler des gens de la campagne avec des expressions qui leur sont propres et avec un accent très marqué. 

Enfin, j’ai essayé de travailler au mieux pour rendre la plus réel possible l’expérience angoissante et terrible qu’a vécu Higinio. C’est un exercice d’imagination mais aussi, en partie, de préparation physique. L’Higinio de la première partie du film est un jeune homme en forme tandis que celui de la seconde est plus âgé et ventripotent. Pour cette seconde partie du film, j’ai dû prendre 15 kilos.

Fait singulier, pour Une vie secrète, ce sont trois cinéastes, Jon Garaño, Aitor Arregi et José María Goenaga qui coréalisent le film. Comment s’est déroulé le tournage avec eux ?

Lors du tournage, Aitor et Jose Maria Goenaga se sont chargés de la première partie et José Maria et Jon Garaño de la seconde. Je dois dire qu’ils étaient parfaitement organisés et savaient parfaitement ce qu’ils voulaient. J’ai eu l’impression de travailler avec un seul réalisateur tant ils étaient coordonnés. Ils m’ont beaucoup aidé en ce qui concerne la préparation du personnage afin que le résultat soit le plus réaliste possible. 

Belén Cuesta qui interprète Rosa, l’épouse d’Higinio, est splendide dans ce rôle pour lequel elle a obtenu le Goya de la meilleure actrice. Comment s’est déroulée la collaboration avec elle ?

Parfois, lorsqu’on fait un film, il y a quelque chose, une espèce de magie qui se dégage entre les acteurs. Et c’est exactement ce qui nous est arrivé à Belén et à moi. Nous avons accroché très rapidement. Dès le début, nous nous sommes très bien entendus et cela se ressent à l’écran.

Nous nous sommes tout de suite mis d’accord sur la façon dont parleraient nos personnages. Nous sommes tous les deux andalous, de la même ville, Málaga, et nous savions que les deux personnages que nous interprétions devaient parler comme les villageois de la campagne andalouse. 

Dernièrement, tu t’es spécialisé dans le thriller espagnol avec Canibal, La isla mínima, La colère d’un homme patient, Que Dios nos perdone et El reino. Comment te sens tu dans ce genre des rôles ?

C’est une coïncidence ! Je ne l’ai pas vraiment cherché. Pour tout dire, j’aime bien varier et interpréter des personnages différents, mais après, c’est vrai qu’il y a eu un enchainement de rôles extraordinaires, Pepe Mújica pour Compañeros, Manuel dans El Reinoet bien sûr Higinio dans Une vie secrète

Que signifie pour toi le fait d’avoir remporté le Goya du meilleur acteur avec le personnage de Manuel – un homme politique impliqué dans des affaires de corruption – dans le film El reino de Rodrigo Sorogoyen ?

C’était très excitant ! J’ai gagné deux fois les Goya, la première fois pour un second rôle dans le film Azul de Daniel Sanchez Arévalo et pour moi, c’était totalement inespéré. Il y avait un tout un éventail de grands acteurs nominés, Juan Echanove, Juan Diego Botto, Leonardo Sbaraglia… et moi. À ma grande surprise, j’ai remporté ce Goya, moi qui venais d’arriver dans ce métier et étais quasi inconnu. Pour le prix du meilleur acteur, c’était bien plus attendu. 

J’avais été nominé à plusieurs reprises, et pour El reino c’était déjà la 12ème fois, ça commençait à faire beaucoup de nominations sans remporter de prix. J’ai donc reçu ce Goya avec une très grande joie. Je me suis beaucoup investi dans le rôle de Manuel et en plus, la cérémonie se déroulait chez moi, à Séville. Tous les ingrédients étaient réunis !


FICHE DU FILM


Affiche d'Une vie secrète avec Antonio de la Torre et Belén Cuesta
  • Titre original : La trinchera infinita
  • De : Jon Garaño, Aitor Arregi, José Mari Goenaga
  • Avec : Antonio de la Torre, Belén Cuesta, Vicente Vergara
  • Langue originale : Espagnol
  • Date de sortie : 28 octobre 2020
  • Durée : 2h 27min
  • Distributeur : Epicentre films