Rencontre avec Laurent Callonnec, directeur des Journées Cinématographiques: Regards Satellites.

" Avec le titre Regards Satellites, on cherche à construire un thème qui deviendra le fil conducteur des futures éditions. "

Laurent Callonnec directeur des Journées Cinématographiques / © Pierre Le Tulzo/ Plaine Commune

À l’occasion de la prochaine édition des Journées Cinématographiques au cinéma l’Écran ainsi que dans plusieurs autres cinémas partenaires de Seine-Saint-Denis, nous avons rencontré son directeur, Laurent Callonnec. Dans cet entretien, nous évoquons avec lui la venue de Ken Loach ainsi que celle de nombreux autres invités, mais aussi les temps forts du festival et un focus spécialement dédié au cinéma brésilien.


Pouvez-vous nous présenter en quelques mots les Journées Cinématographiques ?

Les Journées Cinématographiques est un festival qui souhaite mettre le cinéma en regard avec des questions de société, comme le travail ainsi que sur des questions plus philosophiques, voire même invisibles. Plutôt que de faire un festival construit uniquement sur la notion de compétition, nous avons plutôt choisi à chaque édition de faire dialoguer le cinéma avec un sujet ou des sujets de société importants à nos yeux.

Pourquoi le sous-titre de Regards Satellites pour cette nouvelle édition ?

En 23 ans, nous avons exploré énormément de pistes. Avec le titre Regards Satellites, au pluriel, on a cherché à construire un thème qui deviendra le fil conducteur des futures éditions. C’est-à-dire, reprendre l’essentiel de ce qu’on a fait tout au long de ces années, montrer des regards alternatifs sur le monde à travers le cinéma et ainsi sortir des questions de représentations que l’on peut qualifier de dominantes.

« Il y a tellement à faire sur le cinéma brésilien et surtout sur les cinémas brésiliens qu’il faudrait encore y consacrer deux ou trois éditions pour avoir un réel aperçu de sa richesse. »

Le nouveau titre du festival, Regards Satellites, devient pour nous une idée centrale. D’ailleurs, nous participons à un projet lancé par Alice Diop, la Cinémathèque idéale des banlieues du monde et mené par les Ateliers Médicis et le Centre Pompidou. À travers ce projet, on essaie de mettre en lumière ces regards non alignés, non dominants et finalement de représenter les périphéries. Quand on parle des banlieues, ce n’est pas au sens d’espace urbain, mais d’une façon plus générale, au sens de périphéries. C’est en cela que le nouveau titre du festival, Regards Satellites, prend tout son sens.  

Vous avez un invité de haut vol en la personne de Ken Loach. Qu’avez-vous prévu autour de lui ?

Nous avons de nombreux invités, mais Ken Loach est certainement le plus connu. Le 7 février, il viendra dialoguer autour de deux de ses films. Le premier, une petite rareté, Which side are you on ? est un documentaire qu’il avait réalisé sur la lutte des mineurs contre le thatchérisme en 1985, une année marquée par un déferlement de violences policières. Ici, Ken Loach montre le point de vue de ceux qui luttent contre les décisions brutales du gouvernement de Margaret Thatcher. En même temps, le réalisateur britannique fait le portrait d’une communauté soudée à travers la musique, à l’instar du titre du documentaire qui est aussi le titre d’une chanson militante. Which side are you on ? est un documentaire qu’il a réalisé pour la télévision britannique et qui a été censuré pendant un an. Il résonne encore fortement de nos jours.

Le second film, tout autant d’actualité, est The Navigators, un long métrage de 2001 que l’on va pouvoir montrer en 35 mm. Le film dénonce la dégradation du service de chemin de fer britannique après sa privatisation. Ce sera une carte blanche très militante. Pour nous, avoir Ken Loach sur le festival, c’est un immense honneur. Il symbolise une sorte d’intégrité, une lutte constante sur laquelle il n’a jamais dérogé en dépit du suces qu’il a pu avoir.

Cette année, le cinéma brésilien est très présent sur le festival…

Oui, effectivement, les 3 et 4 février, nous aurons un axe artistique très brésilien. Pour commencer, nous accueillerons Marcelo Gomes qui, en dépit de la qualité de son travail, n’est pas encore un réalisateur très connu en France. Il présentera le 3 février ses deux derniers films, le documentaire En attendant le carnaval, qui illustre les dérives du capitalisme sauvage dans un village du Pernambuco qui se consacre presque exclusivement à la production de jeans. Puis, en partenariat avec le festival Chéris-chéris, nous présenterons son film Paloma, une fiction sur une transsexuelle qui souhaite se marier à l’Église dans un petit village.

Notre second invité brésilien sera l’auteur et dessinateur Marcello Quintanilha, qui a remporté le Fauve d’or au dernier festival d’Angoulême pour sa bande dessinée Écoute, jolie Márcia. Il nous invite le vendredi à une master class visant à mettre en lumière les liens étroits entre bande dessinée et cinéma. Après la master class, il y aura une projection du film Chega de Saudade de Laís Bodanzky.

Le samedi, Marcello Quintanilha présentera également deux films brésiliens extraordinaires. D’abord un film très peu projeté en France, Lúcio FlávioPassageiro da Agonia d’Héctor Babenco, sur la vie d’un braqueur de banques dans les années 60, puis Bye Bye Brasil, un road movie signé Carlos Diegues qui dévoile un Brésil en reconstruction et que je trouve absolument rafraîchissant.

Au final, ce sont des films qui sont peu mis en avant en France. Il y a tellement à faire sur le cinéma brésilien et surtout sur les cinémas brésiliens qu’il faudrait encore y consacrer deux ou trois éditions pour avoir un réel aperçu de sa richesse.

D’ailleurs, toujours sur le focus au cinéma du Brésil et dans le cadre de la Cinémathèque Idéale des banlieues du monde, nous avons donné une carte blanche au journaliste, programmateur et critique Heitor Augusto, spécialisé dans le cinéma afro-brésilien. Il présentera deux séances intitulées Par-delà la géographie, avec des films totalement inédits en France. Et que je recommande vivement à tous ceux qui s’intéressent au cinéma brésilien !

Quels sont les autres temps forts du festival ?

En ouverture, nous aurons la réalisatrice américain Laura Poitras qui viendra présenter en avant-première son nouveau film, Toute la beauté du sang versé, sur le combat mené par la photographe Nan Goldin contre les opiacés aux États-Unis et qui a remporté le Lion d’or à la Mostra de Venise en 2022. 

Nous accueillons aussi le réalisateur américain Patrick Wang, très connu pour son cinéma sur les questions de genre et d’identité. Sur le festival, nous retracerons l’intégralité de sa carrière, quatre films que l’on pourra voir à L’Écran et dans les salles partenaires.

Le cinéaste russe Kirill Serebrennikov, exilé à Berlin depuis mars dernier, viendra aussi présenter en avant-première son dernier film, La femme de Tchaikovski. L’actrice et réalisatrice roumaine Elina Lowensohn fait également partie de nos invités. Elle propose une carte blanche passionnante autour de sa carrière. Sans oublier le focus sur le cinéma de Winnipeg et une soirée très spéciale sur le cinéma de genre. Malheureusement, Je ne peux pas tout citer, mais je recommande vivement à tout le monde de bien regarder le programme car il y a énormément de choses à voir !

Retrouvez ici notre chronique du festival.

Crédits photos : Laurent Callonnec © Pierre Le Tulzo / Plaine Commune


FICHE DE L’ÉVÉNEMENT


Affiche du festival Journées Cinématographiques. Regards Satellites (2023)
  • Titre : 23ème édition des Journées Cinématographiques
  • Lieux : Cinéma l’Ecran, cinéma l’Etoile, Espace 1789, Cinéma le Studio (Seine-Saint-Denis)
  • Dates : Du 2 au 11 février 2023
  • Avec : Ken Loach, Laura Poitras, Marcelo Gomes, Marcello Quintanilha, Heitor Augusto, Patrick Wang, Kirill Serebrennikov, Winnipeg, Elina Löwensohn…
  • Renseignements : Journées Cinématographiques
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