Rencontre avec Catherine Lacoste autour de l’hommage à Ángel G. Piñero

" Pour arriver au meilleur niveau, autant en musique qu’en sport, il faut de la patience, du travail, du perfectionnisme et de la passion ! "

Catherine Lacoste au Teatro Villamarta de Jerez (2022)

Le 21 février 2022, le compositeur et concertiste de guitare classique espagnol Ángel G. Piñero s’éteignait à l’âge de 89 ans. Résolue à faire vivre son art, sa femme, Catherine Lacoste – fille du champion de tennis René Lacoste, de la championne de golf Simone Thion de La Chaume et elle-même consacrée dans ce sport dans les années 60 – a choisi d’organiser un concert-événement le 5 février 2024 dans le cadre du prestigieux Théâtre de l’Athénée Louis-Jouvet. Une interview passionnante où il est question de musique, de transmission, de golf et de passion !


QTP – Le compositeur et guitariste espagnol Ángel G. Piñero est décédé le 21 février 2022 . C’était votre époux. À quelle occasion vous étiez-vous rencontrés ?

J’ai rencontré Ángel, mon mari, à travers mon amour pour la musique classique en général. Ayant 4 enfants, je voulais qu’ils apprennent à jouer de la musique, considérant que c’est un élément indispensable dans l’éducation d’un enfant. J’ai donc cherché dans le journal une annonce pour trouver un musicien qui pouvait apprendre les bases à ma fille Caroline, âgée de 5 ans à l’époque. Et je suis tombée sur ce merveilleux musicien qui a donné des leçons de musique à mes 4 enfants et aussi avec lequel j’ai repris la guitare que j’avais joué pendant mon adolescence.

Comment le décririez-vous, en tant qu’homme, mais aussi en tant qu’artiste ?

Ángel était un homme très naturel, avec un grand caractère, un sens de l’humour. Très perfectionniste, travailleur et passionné par la guitare. Il était autodidacte, sauf pour la guitare avec 17 années d’études au Conservatoire de Barcelone, puis au Conservatoire de Munich où il perfectionna ses Études de Composition. À ce sujet, il composa une Méthode de 4 livres pour la Guitare Classique (avec des études progressives toutes composées par lui-même) et une Méthode d’Accompagnement innovatrice de 4 livres également pour 16 rythmes différents. Ensuite, il composa plusieurs œuvres de guitare seule.

Il donna plus de 300 concerts dans le monde : Espagne, Allemagne, États-Unis, France (Saint jean-de-Luz, Paris à la Salle Cortot, Mexique. Enfin, à partir de l’année 2001, il s’est davantage penché sur la composition pour la guitare seule, mais aussi pour la guitare et quatuor (8), la guitare et orchestre (6) et enfin la guitare et chant lyrique (3).

Pour honorer sa mémoire, vous organisez le 5 février prochain un concert au Théâtre de l’Athénée. Quel sera le programme de cette soirée ?

Bien sûr, l’Association de Guitare Classique, dont je suis la Présidente, organise ce concert pour honorer sa mémoire, mais cela me fait aussi très plaisir de faire connaître sa merveilleuse musique en France, mon pays. Le programme est constitué surtout de compositions d’Ángel, mais aussi d’autres compositeurs tels que Francisco Tárrega et Isaac Albéniz (guitare) et Eduard Toldrá (quatuor) pour donner un éventail varié à ce concert et au public connaisseur de Paris. Les artistes sont exceptionnels avec comme guitariste Angélica Rodríguez, venue du Paraguay, qui a une maitrise non seulement de la guitare mais aussi du chant lyrique en tant que soprano. Elle chantera des compositions qu’Ángel a composé pour la guitare et aussi pour la guitare et le chant, avec des paroles qu’il a écrites lui-même.

Elle sera accompagnée d’un quatuor madrilène, le quatuor Chagall, qui a très bien connu Ángel et a joué de nombreuses fois ses compositions. Ils jouent souvent dans de grands concerts en Espagne.

Le théâtre de l’Athénée Louis-Jouvet est un lieu magique et nous avons noté que pour cette soirée, le prix des places était particulièrement raisonné, avec des billets en vente dès 14 euros. En outre, tous les bénéfices de la soirée seront reversés à une association… 

En effet, nous avons la chance d’être accueillis dans ce théâtre exceptionnel ! Nous avons voulu rendre ce prix abordable pour tous afin de donner l’occasion au plus grand nombre de spectateurs possible de connaître la guitare classique espagnole. Au sujet de l’association, le Mécénat Cardiaque, c’est une Association qu’Ángel et moi connaissons et admirons depuis de nombreuses années. Ángel, lui-même, avait joué pour cette association à la Salle Cortot à Paris.

Vous êtes donc présidente de l’Association de Guitare Classique Ángel G. Piñero. Quels en sont les objectifs ?

Comme je vous disais, j’ai pris la succession d’Ángel qui avait fondé cette Association de Guitare Classique avec son nom en 2015 pour appuyer les jeunes guitaristes classiques dans le moment le plus difficile de leur carrière, c’est-à-dire au début. D’ailleurs, à travers cette association, nous avons organisé 10 Concours Internationaux de Guitare Classique « Ángel G. Piñero », le 10ème ayant eu lieu à Grenade pendant le prestigieux Festival International de Guitare Classique en Juillet dernier. J’en profite pour remercier le Président de ce Festival, Vicente Coves, d’avoir ainsi eu la gentillesse d’honorer la mémoire de mon mari. Cette année, nous retournerons au Puerto de Santa María, dans la province de Cadiz où Ángel est né pour continuer à aider les jeunes guitaristes et j’espère que des guitaristes français participeront à ce grand concours.

« Pour arriver au meilleur niveau, autant en musique qu’en sport, il faut de la patience, du travail, du perfectionnisme et de la passion ! »

Vous avez vous-même un parcours personnel saisissant. Votre père n’était autre que le champion de tennis René Lacoste et votre mère, la championne de golf Simone Thion de La Chaume. Vous avez suivi les traces de votre mère en établissant à la fin des années 60 trois records qui n’ont toujours pas été battus à ce jour. Vous nous racontez ?

J’ai effectivement eu l’immense chance d’avoir des parents exceptionnels, mais pas seulement en tant que sportifs. Ils m’ont montré le chemin pour savoir travailler avec discipline et gentillesse. Il faut évidemment avoir du caractère pour devenir champion, mais leur exemple de simplicité, de travail et de générosité, m’a toujours aidé. La patience, la connaissance profonde des gestes, autant de tennis que de golf, de mon père, m’ont beaucoup aidé. Une anecdote racontée par mon père, à qui la douane américaine a demandé s’il était le père de Catherine Lacoste et à qui il a pu répondre que oui. Quelques années auparavant, un douanier m’avait demandé la même chose, mais à l’inverse ! Si j’étais la fille de René Lacoste !

Peut-être le tournoi qui m’a le plus marquée est le Championnat de Grande Bretagne (Ladies British Championship) car ma mère l’avait gagné en 1927 et elle m’a accompagnée 6 fois avant que j’arrive à le gagner en 1969, étant les seules mère-fille à l’avoir fait ! C’était un bel hommage à une merveilleuse mère et championne.

Cela vous étonnera peut-être que je parle de ce tournoi avant de parler du Championnat du Monde par Équipes avec la France en 1964 (il y a déjà 60 ans !) ou du encore plus fameux US Open, championnat des États-Unis de professionnelles, que j’ai gagné comme amateur en 1967, ou encore du Championnat des États-Unis Amateur en 1969. Il est bien difficile de savoir quel est celui qui m’a fait le plus plaisir ou quel est le plus important… Une chose certaine est que de jouer pour mon pays m’a toujours procuré une joie intense. Comme, par exemple, de gagner beaucoup plus tard les Championnats d’Europe par Equipes Seniors après l’année 2000.

Vous êtes ce que l’on appelle dans le langage commun « une fille de », un statut souvent perçu négativement… Pour autant, on imagine que cela n’a pas du être simple de grandir à l’ombre de ces grands chênes qu’étaient vos parents ? D’une certaine façon, vous n’aviez pas d’autre choix que de réussir ?

Je peux vous répondre très facilement : quand j’ai gagné l’US Open, je me suis réveillée le lendemain et me suis dit : « Maintenant je peux mourir car je ne suis plus seulement la fille de mes parents mais quelqu’un par moi-même».

À première vue, les univers du golf et de la musique classique sont assez éloignés l’un de l’autre. Pourtant, à y regarder de plus près, le haut niveau d’exigence que requiert chacune de ces disciplines n’implique-t-il pas des compétences communes ?

Vous avez tout à fait raison et je pense que c’est une des raisons pour laquelle Ángel et moi nous sommes entendus si bien. Nous nous comprenions, autant lui pour mon golf, que moi pour sa musique. Pour arriver au meilleur niveau, autant en musique qu’en sport, il faut de la patience, du travail, du perfectionnisme et de la passion !

Nous en avons eu tous les deux !

Retrouvez ICI notre chronique sur le concert hommage à Ángel G. Piñero au Théâtre de l’Athénée Louis-Jouvet


INFORMATIONS PRATIQUES


Affiche Soirée de guitare classique espagnole au Théâtre de l’Athénée Louis-Jouvet (2024)
  • TITRE : Soirée de guitare classique espagnole en mémoire d’Ángel G. Piñero
  • LIEU : Théâtre de l’Athénée Louis-Jouvet, 2-4 Sq. de l’Opéra Louis-Jouvet, 75009 Paris, M° Opéra ou Havre-Caumartin
  • AVEC : Angélica Rodríguez (guitare, chant) et Cuarteto Chagall – Cristina Pascual Godoy (violon), Sergio Gómez (violon), Abel Nafee Rosch (alto) et Irene Celestino (violoncelle) –
  • DATE & HORAIRE : Le 5 février 2024 à 20h
  • PRIX : de 14 à 30 €
  • RENSEIGNEMENTS : Théâtre de l’Athénée Louis-Jouvet
  • TÉLÉPHONE : 01 53 05 19 19    

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